icône home © Michel Moutet, 2012
INTRODUCTION
I
SOMMAIRES

Présence E.T.

Aussi loin qu'il puisse la voir devant lui, la route est droite et se perd dans la nuit en un ruban luisant. Le ciel sans lune charrie de gros nuages noirs. Un décor à donner la sinistrose au gagnant du loto !

Tapi derrière un arbre, Gérard observe. Voilà bientôt une heure qu'il surveille l'é­tran­ge phénomène. Malgré la peur que cela lui inspire, il est fasciné par le spec­ta­cle. Tout en regardant, il revit le début de son aventure...

Vers dix heures du soir, il a descendu les poubelles dans la cour. La pluie immi­nente lui a permis de faire quelques pas au bas des escaliers. Et c'est tout à fait fortuitement qu'il a prêté attention à une trouée nuageuse ouvrant sur le ciel. Aus­sitôt, son attention fut attirée par une étoile dont la brillance lui parut plus vive que la normale.

Sans se soucier outre mesure de son observation, il sortit son paquet de tabac et en­treprit de bourrer sa pipe. Il l'alluma et aspira voluptueusement quelques bouf­fées.

C'est alors que son regard accrocha à nouveau l'étoile. Ah là, plus aucun doute possible : sa taille avait augmenté. Plissant les paupières, il crut même distinguer un halo brillant en rotation tout autour.

– Vous avez l'air bien attentionné, Dubois !

Gérard sursauta, comme un enfant pris en faute et fit face à son voisin de palier.

– Vous avez vu cette étoile brillante, Vervet, répliqua-t-il ?
– Quelle étoile ?
– Mais celle-ci, juste au-dessus de l'enseigne de l'hypermarché. Et il pointait un index ferme dans la direction.
– Je ne vois rien de particulier...
– Mais si, là-bas, plus grosse que les autres...
– Peut-être bien, laissa tomber laconiquement Vervet. Moi, vous savez, l’astro­no­mie… Allez, bonne nuit Dubois.
– Bonne nuit, répondit Gérard.

Retourné à sa contemplation, il dut bien convenir que le point brillant avait encore pris du volume. Il s'assit sur les marches de l'escalier et suivit l'évolution de la lumière. Sa taille croissait graduellement maintenant, il en était sûr. L'objet avait une forme ovoïde. Le mot lui était venu spontanément à l'esprit car ce ne pouvait être qu'un ballon-sonde ou mieux un ovni ! Il lui semblait même entendre un léger grondement. La pluie se mit à tomber mais quelques gouttes d'eau ne pouvaient avoir raison de sa curiosité.

L'ovni, maintenant, semblait planer sous les nuages de plus en plus menaçants et annonciateurs d'orage. Brusquement, l'objet disparut au-delà des murs du grand ma­gasin et il entendit une sourde détonation.
Il s'est posé ou crashé, pensa Gérard.

Il se précipita vers sa voiture et sortit ses clés restées dans sa poche par un heu­reux hasard. Le moteur répondit à la première sollicitation et l'homme choisit d'ins­tinct l'itinéraire le plus court pour se rendre sur les lieux de l'atterrissage.

Après avoir roulé une dizaine de minutes, grillé deux feux rouges et failli renverser un cycliste, Gérard se retrouva sur la route départementale. Au loin, il lui semblait distinguer un halo incandescent éclairant la noirceur de la nuit. Alors qu'il s'appro­chait, ses phares s'éteignirent et son moteur cala après quelques ratés. Il actionna en vain le démarreur. C'était comme si, d'un seul coup, la batterie était à plat.

Bizarre, se dit-il à lui-même ; mais comme il était relativement courageux, il décida d'aller jusqu'au bout. Il abandonna sa voiture sur le bas-côté de la chaussée, non sans avoir verrouillé les portières. Téméraire oui, irresponsable non ! Tout en pro­gressant vers la lueur, il commença à regretter son audace d'autant que la pluie redoublait de violence.

Trempé jusqu’aux os, il parvint néanmoins à l'orée d'un bosquet planté en son centre d'un immense sapin. Près de là se déroulait un spectacle hallucinant. De petits engins, à peine visibles, descendaient par bonds successifs, se ramifiaient pour chuter à nouveau. Autour de ces lumières, d'autres plus grosses, dont le diamètre se chiffrait en mètres, se déplaçaient à grande vitesse. On aurait dit une patrouille d'estafettes protégeant le vaisseau principal.

Le cœur de Gérard battit plus vite quand l'angoisse le saisit. Il était seul, en pleine campagne, loin de sa voiture et à la merci de ces objets mystérieux. La pluie le pénétra soudain et il grelotta de froid... ou de peur peut-être. Comme un papillon de nuit attiré par une source lumineuse, il resta là complètement subjugué par ce va-et-vient étincelant. Pendant ce temps, les petites boules de feu s’étaient rappro­chées du sol mais aucune ne s'était posée encore.

Alors que cette sarabande flamboyante se passait à moins de 20 mètres du sol, une escouade de lumière surgit d'un rocher comme pour aller au-devant des pre­mières. Et un bruit formidable se développa au moment où elles se mettaient en formation... Gérard assistait-il à l'invasion de la Terre par une armée d'énormes co­léoptères luisants ? En tout cas, c'était féérique et, oubliant toute prudence, l'hom­me s'avança à découvert dressant les bras au ciel…

Sans attendre, une énorme luciole fulgura en sa direction. Il était repéré ! Il hurla à s'arracher les cordes vocales, juste avant d'être touché...

Le lendemain, on pouvait lire dans les journaux : « Le violent orage d'hier a fait une victime : un automobiliste dont le véhicule est tombé en panne a été foudroyé au pied d'un sapin sous lequel il s'était abrité... ».

Michel GRANGER & Michel PIERRE

Publié in Le Courrier de Saône & Loire Dimanche du 23 avril 1989.
Dernière mise à jour : 7 avril 2011.


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