icône home © Michel Moutet, 2012
INTRODUCTION
I
SOMMAIRES

Retour éternel

Efen est le fils du représentant de la nation de l'Est : l'U.R.S.S. ou Unité des Ré­pu­bli­ques Sociales et Serviles.
Iwi, elle, est la fille du président de la supernation de l'Ouest, les U.S.A., ou Unités Sociales et Anticolonialistes.
Efen et Iwi s'aiment.

Les deux blocs civilisés – aussi bien l'oriental que l'occidental, ont acquis une con­naissance très étendue de leur système solaire. De nombreuses missions scien­ti­fiques ont été envoyées dans l'espace pour collecter le maximum de données utiles au progrès. Les U.S.A. ont même réussi à déposer un de leurs cosmonautes – c'est ainsi qu'on les appelle – sur Mypi, l'unique satellite de la planète. Ce coup de prestige n'a pas apporté grand chose, il est vrai. Seulement, il a prouvé la su­pré­matie passagère d'une technologie sur l'autre. Un renversement de tendance s'est d'ailleurs opéré, plus tard, avec un équipage perdu à bord d'une navette dé­fec­tueuse. Maintenant, la technologie a tellement évolué que presque toutes les des­tinations planétaires sont accessibles. On dit même que l'U.R.S.S. envisage d'en­voyer un homme sur Nest. Cette conquête du ciel serait, sans doute, bénéfique pour les habitants du globe s'il n'y avait une guerre en même temps, une guerre in­cessante entre les deux grandes puissances.

Il faut dire que leur idéologie, comme leur nom l'indique, est diamétralement op­po­sée.

Cette guerre dure depuis plusieurs siècles déjà. Personne ne sait même plus qui l'a commencée et, en tout cas, nul ne peut dire qui va, un jour, la gagner. Elle se dé­roule aussi bien au sol que dans l'espace. L'efficacité des armements les rend dé­vastateurs. De quoi tout réduire en poussière !

Un seul point rose dans cet univers de douleur et de violence : Efen et Iwi s'ado­rent...

Ils se sont rencontrés lors d'un des innombrables sommets sur la fin de la guerre et le désarmement organisés par leurs parents. Ça a été le coup de foudre dès que leurs regards se sont croisés.

A vrai dire, Iwi n'est-elle pas splendide avec sa longue chevelure blonde autour de son visage fin et intelligent ? Ses rondeurs tendent agréablement la combinaison argentée qui lui va à ravir. Ses longues jambes bien galbées sont mises en valeur par les collants fluorescents.

Efen, pour sa part, est un homme tout ordinaire, mais son humour et sa gentillesse lui confèrent un charme certain. Leur dessein, à tous les deux, est de faire cesser le plus tôt possible cette épouvantable bataille meurtrière. Les morts se comptent par millions et chaque rencontre pour la paix se solde par un échec.

Enfin, à force de persuasion, on parvient à faire cesser les hostilités au sol. C'est le fruit de longues négociations éprouvantes où chacun ne veut pas céder le moindre pouce de terrain. Cette trêve n'est pas durable et la lutte s'est désormais déplacée dans l'espace ; on l'appelle la guerre des étoiles.

Des centaines de fusées porteuses de bombes thermonucléaires ont été satel­li­sées ; puis des lasers capables de détruire les fusées ; ensuite des masers pour neutraliser les lasers et... Chacun y va de son petit satellite tueur. Au moindre in­ci­dent, on risque une conflagration générale.

Efen et Iwi tentent de stopper cette escalade d'agressivité. Rien n'y fait. Pis, les ac­tions guerrières s'intensifient.

Alors, Efen et Iwi, las de vivre dans cet enfer et d'en cautionner involontairement les actions,  décident de quitter leur planète pour aller vivre ailleurs puisqu'ils en ont la possibilité par l’entremise d'un vaisseau spatial pouvant permettre une fuite interplanétaire.

Avant tout, un but est choisi. Ils optent pour une planète qui, selon toute probabilité présente les conditions favorables à la vie.

Ayant mis quelques amis dans la confidence, ils fixent la date du départ et, à l'insu des autorités subalternes, chargent la soute de l'engin spatial des denrées né­ces­saires à l'exécution de leur long voyage. Le jour venu, ils rédigent un petit mot d'ex­pli­cation et décollent, laissant derrière eux sans regret un monde en état de conflit endémique. Tout se passe sans problème et la liaison radio qu'ils gardent à sens unique avec leur patrie ne leur fait pas regretter d'être partis ainsi. Car, un jour, le contact est brusquement interrompu. Et, à travers le hublot, ils assistent, cons­ter­nés, à une effroyable explosion. Leur planète natale s'est désintégrée et ils sont, dé­sormais, les seuls survivants. De ce corps céleste pulvérisé ne reste aujourd'hui qu'un seul gros caillou qu'on appelle Cérès...

Beaucoup de temps a passé.

Après avoir assoli sur un nouveau monde et vu leur navette dissoute dans un lac immense, ils doivent se rendre à l'évidence : ils sont seuls ! Réfugiés au fond d'une grotte, ils subissent les rigueurs de l'hiver et échappent de justesse à une fin ano­nyme.

Leurs vêtements n'étant pas conçus pour les réchauffer, ils les ont tout simplement brûlés pour récupérer un peu de chaleur. Efen a profité de l'éclairage pour dessiner des silhouettes d'animaux colorées sur les parois rocheuses environnantes.

Et voilà qu'un temps plus clément les incite à quitter leur tanière. Ils se décident à sortir de leur grotte à peine protégés par les sacs en mylon qui enveloppaient leurs provisions et tombent quasi en lambeaux. Leur marche est longue mais ils attei­gnent une région plus agréable : dans une vallée, une large rivière serpente ma­jes­tueusement. Le cadre est grandiose. Aussitôt, Efen entreprend d'ensemencer le ter­rain et Iwi s'occupe de l'aménagement intérieur d'une cahute qu'ils ont rapi­de­ment construite avec les moyens du bord.

La vie s'écoule maintenant à l'image du courant de la rivière. Absorbés par les sou­cis quotidiens de survie et pris par leurs tâches respectives, ils oublient tout ce qui a précédé. Jusqu’à même leur identité.

Maintenant devant leur habitation à multiples dépendances s'étendent un vaste ver­ger et une magnifique prairie. Ce soir-là, Efen a débouché une dernière bouteille de cette soupe primitive, ce bouillon originel, si prisé par les gens des U.S.A. Et ils se sont enivrés au point de disperser, autour d'eux, en un geste inconscient, un peu de la précieuse « limonade ».

Le lendemain, ils sont réveillés par des bruits incongrus. Se précipitant au dehors, ils voient avec stupéfaction que les arbres sont remplis d'oiseaux multicolores. Des milliers d'animaux ont élu domicile dans leur jardin. Et tous cohabitent sans pro­blè­me apparent. Quel monde paradisiaque ! Fous de joie, ils se mêlent à la multitude en une course effrénée. Renouant avec une habitude oubliée, ils se font la cour...

C'est alors qu'Iwi, affamée par toutes ces folies, abandonnant toute retenue, cueille une pomme d'un arbre et la croque à pleines dents.
Sur une branche voisine somnole une couleuvre...
La suite, vous la connaissez...

Michel GRANGER & Michel PIERRE

Publié in Le Courrier de Saône & Loire Dimanche du 29 janvier 1989.
Dernière mise à jour : 28 mars 2011.


© Michel Moutet, 2017
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