icône home © Michel Moutet, 2012
INTRODUCTION
I
SOMMAIRES

Raid


Révolté par tant de haine et de racisme, Zwy quitte sans aucun remord cette planète honteuse où guerres, ségrégation et servitude sont élevées en dogme...

Une telle politique remonte à il y a bien longtemps, quand la surpopulation menaçait la planète Gizah.

Le conseil scientifique au grand complet opta pour une exploration spatiale systématique de l'Univers afin d'y découvrir un lieu d'accueil où toutes les conditions requises à la survie de la race Phâr seraient réunies.
Pour cela un programme de vaste envergure fut mis sur pied et, quelques lustres plus tard, des centaines de vaisseaux volants quittèrent le sol de Gizah pour des objectifs inconnus.

Quelques aéronefs disparurent à jamais, absorbés par l'espace intersidéral, mais d'autres aboutirent, du moins à destination. C'est ainsi qu'après avoir voyagé à une vitesse supraluminique sur 101,11 parsecs, Zwy parvint en vue d'un monde susceptible de convenir à une colonisation future.
Ses divers appareils de bord mesurèrent un taux de Hodeux de l'ordre de 01/0101, ce qui semblait compatible avec une survie au sol sans scaphandre.
La seule question posant problème à l'installation des Phâriens était la longueur du jour ; en effet, celui-ci durait plus de 11101 unités de temps, sachant que cette unité est basée sur la fraction de 1/0000000000000001 de l'année tropique 10100110111 janvier zéro à 0011 du temps des Ephémérides. La longévité du peuple Phârien s'en trouverait ainsi monstrueusement diminuée.

Zwy chercha donc un point pour poser sa navette, manœuvre assez malaisée car, sur cette planète, la végétation était gigantesque et partout le sol était occupé.
Recourant aux commandes automatiques, il réussit à assolir sans encombres et, bientôt, l'appendice rétractile de son engin lui permit de sortir au dehors.
La chaleur y était quasiment insupportable, environ 10111 degrés de l'échelle phâ­rien­ne, elle-même nettement supérieure à l'échelle thermodynamique des tempéra­tures absolues.
Ayant cheminé durant une révolution astrale complète, Zwy rencontre enfin les abori­gè­nes : ceux-ci sont d’une couleur ténébreuse achromatique et mesurent près de 11 unités.

A noter tout de même que, sur la planète Gizah, l'unité de grandeur est égale à 11001110011 longueurs d'onde dans le vide de la radiation correspondant à la transi­tion des niveaux 01 p0101 et 101 d101 de l'atome de krypton 01101001, ce qui peut paraître à priori totalement aberrant !

Néanmoins, Zwy étudie, en bon anthropologue, l'écosystème auquel il vient d'être confronté. Tout d'abord, cette civilisation, si l'on peut employer ce terme, vit dans des grottes dont l'entrée est bien souvent dissimulée. Difficile d'appréhender le com­portement de ces êtres étranges. Zwy tente de se mêler à une tribu afin d'en pénétrer les us et coutumes.
Ils travaillent, dorment et mangent comme tout un chacun. Certains élèvent des troupeaux et d'autres se spécialisent dans la culture ou engrangent des moissons. Les éleveurs surveillent leur bétail tout au long du jour et, au besoin, le rentrent dans des étables. Leurs bestiaux se fondent avec la forêt environnante et quelques exploitants, sachant que leur lait est nourrissant, les traient. C'est pourquoi certains de ces animaux font l'objet de convoitise de la part d'autres tribus et cela provoque des affrontements épiques.

La récolte est parfois si riche en protéine et en sucre qu'ils ont renoncé à se nourrir de viande et vivent entièrement sur leur production.

Ce qui surprend cependant le plus Zwy, c'est la guérilla incessante que se livrent les différents habitants de cette planète. Et cela parfois dans un but purement esclavagiste et outrancier, du moins pour Zwy. En premier lieu, il y a repérage des victimes par des éclaireurs puis, la manœuvre opérée, un encerclement en colonnes ordonnées et, enfin, l'assaut final ; telle est la spécialité des amazones.

Une autre race, rencontrée plus avant sur la planète, plus claire, use d'une méthode différente : déployée en nappes, une armée s'étend sur plusieurs unités de longueur de large et parcours la campagne à la recherche de villages à razzier.

Zwy remarque à sa plus grande contrariété que la pigmentation des attaquants est bien souvent différente de celle des agressés, ce qui dénote bien un racisme exacerbé. Partout où il a pu poser son véhicule, il observe semblables conflits : guerres pour s'approprier le bien d'autrui, luttes destinées à dominer, engagements à pure fin de se procurer de la main d'œuvre.

Zwy, sur son livre de bord, note un descriptif précis de cette faune autochtone avec laquelle il envisage de cohabiter en compagnie des siens quand ils auront décidé un exode massif. Il écrit : « Les créatures de cet astres sont, pour la plupart, sombres comme la nuit ; leur taille est à peu près la même que la nôtre et leur corps est, contrairement au nôtre, divisé en trois parties et articulé : la tête, branchée sur le thorax sur lequel viennent s'adapter les pattes et, ensuite, la plus volumineuse, l'abdomen.
J'ai pu recenser plus de membres de cette race que tout autre vivant ici ; il faudra donc très bien armer le raid préalable qui viendra préparer le terrain de notre implantation.
Attention, elles cohabitent avec des colonies de géants primitifs et agressifs dont une espèce particulièrement difforme demandera à être anéantie en priorité pour le bien des autres. »


Sur cette inquiétante résolution, Zwy décolle comptant délivrer le message à ceux qui l’on expédié en mission.


C'est alors qu'il a atteint 10001001 unités d'altitude et qu'il s'apprête à passer en vitesse supraluminique qu'une bouffée de gaz délétère et toxique, sortie de l’arme brandie par un spécimen de cette monstrueuse espèce à éradiquer, le dévie de sa trajectoire, le plaquant au sol, à l'envers, où il se met à tournoyer jusqu'à l'agonie.


Ainsi, une fois de plus, avons-nous échappé, nous humanoïdes terriens, à une extinction particulièrement atroce : celle provoquée par l’invasion de ces parasites extraterrestres de forme lenticulaire – type varroa destructor – particulièrement belliqueux, espèce venue des confins de l’univers dont l’intelligence supérieure n’avait rien trouvé de mieux que d’utiliser comme vaisseaux spatiaux nos pauvres diptères, dits brachycères, en les infectant pour débarquer sur la Terre et la conquérir ; mais dont la première navette exploratoire vivante et habitée a fait heureusement les frais d’un jet d’insecticide auquel elle n’a pu résister.

La sagesse de ces parasites spatiaux nous permet d’espérer quelques siècles de sursis.

Michel GRANGER & Michel PIERRE

Publié (sauf la fin) in Le Courrier de Saône & Loire Dimanche du 15 avril 1990.
Dernière mise à jour : 10 mai 2013.

 


© Michel Moutet, 2014
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