| | | | Double crime à "Pretty Cottage" José ORTMANS Editions Schmid, Collection L'Indice, 1938. Selon son éditeur, « les œuvres de José Ortmans [alias Joseph Léonard Ortmans (1914-?), un auteur belge] ne restent pas longtemps à l’étalage » ; il semble indiquer de belles ventes puisqu’il est déjà prévu, dans ce premier roman, « un nouveau succès » pour son deuxième livre annoncé en fin d’ouvrage. Et pourtant ce premier titre se présente mal puisqu’il ne correspond pas à l’histoire racontée ! "Pretty Cottage" est la propriété d’un grand collectionneur de pièces médiévales dont des armes où ont été invités le chef de la Sûreté, Oscar Pape, et un célèbre détective anglais surnommé le « Sherlock Holmes moderne » ; ceci dans le cadre d’une réception organisée autour de la fille du riche collectionneur veuf. Le lendemain, un cadavre est découvert en la personne d’un jeune participant qui, avec sa fiancée, accompagnait un prétendant ; il a un poignard Khmer de collection quasi unique enfoncé sous l’omoplate jusqu’à la garde… Et ce crime a eu lieu dans une maison isolée de l’extérieur (barreaux à toutes les fenêtres). Le parc était gardé par quatre féroces bergers allemands. Aucune empreinte sur le poignard auparavant suspendu au mur… Pas de doute, l’assassin fait partie des onze personnes présentes. Bien sûr les méthodes d’investigation des deux Maîtres policiers diffèrent notablement : l’Anglais préfère « prendre l’atmosphère de la maison » en opposition aux « raisonnements » du Français. Le deuxième crime est celui de la maîtresse du premier mort apparemment abattue par un autre jeune invité, la fille de la maison ayant tenté de désarmer le présumé tueur (rivalité amoureuse ?). Une mystérieuse cale placée sous la porte a empêché le détective anglais de sortir de la bibliothèque et le chef de la Sûreté songe à jeter l’éponge tant les interrogatoires ne donnent rien. Pourtant tous les deux convoquent conjointement une reconstitution des deux crimes où chacun joue le rôle d’un des morts et expose sa solution ; les deux, bien sûr, se complétant. C’est là qu’on va découvrir que le titre du livre est vraiment très malheureusement choisi et les explications données un tas d’interrogations placées là uniquement pour détourner l’attention d’une énigme somme toute très banale, embrouillée et fort alambiquée. Ce qui n’empêche pas les deux policiers de s’enorgueillir de leurs propres résultats en des termes élogieux dont ceux-ci de la part du Français : « Le détective parfait groupera nos qualités respectives… Mais existera-t-il jamais ? ». C’est pourtant avec cette intrigue minimaliste que l’éditeur, à la fin du deuxième volume, annonce comme réalisé « l’immense succès de ce plus prenant des romans policiers » avec 250 000 exemplaires vendus… en Angleterre ! Humour ou traduction ? La Dernière Affaire d'Honoré Gordon José ORTMANS Editions Schmid, Collection L'Indice, 1938. Dans ce second roman, assurément le meilleur, on retrouve Oscar Pape, cette fois secondé par celui dont ce sera bien « la dernière affaire », et pour cause ! Honoré Gordon, un vieillard de soixante-sept ans, ancienne gloire de la police judiciaire qui reprend du service à cette occasion. Pape, son ancien chef, est venu lui demander son aide pour arriver à mettre fin aux méfaits d'un tueur qui signe ses crimes sous le nom de « L'ennemi » : danseuse transpercée d'une flèche, riche parfumeur empoisonné... La prochaine victime doit être un romancier, lequel est venu demander la protection de la police. Malgré un important dispositif de sûreté mis en place à cet effet, aux douze coups de minuit de la nuit prévue, le romancier s'effondre dans les bras de son fauteuil : mort... empoisonné à la strychnine. Du coup, Pape, menacé lui-même de mort, démissionne. Quant à H. Gordon, il va voir sa fille adoptive kidnappée... Le médecin légiste découvre que la dernière victime avait dans l'intestin un système en caoutchouc apte à « retarder » l'empoisonnement, le suc gastrique jouant le rôle de dissolvant lent. L’assassin est-il venu de l’extérieur ? Et voilà qu'arrive l'échéance pour Pape menacé. Surveillé de toutes parts, il est retrouvé mort dans son fauteuil de cuir, empoisonné sans doute lui aussi. Tout porte alors à croire que Pape était lui-même « L'ennemi » et que sa lutte à l'encontre du criminel n'était qu'une pièce jouée par le même et unique personnage... Mais un coup de théâtre survient... cette affaire étant bien la dernière d'Honoré Gordon. Celui-ci, voulant tourner en ridicule son ancien chef, lequel, pas dupe, a simulé l'empoisonnement, par « un coup définitif », le vieillard en termine avec la vie au moyen de ce que contient le chaton de sa bague. Une histoire bien menée, bien écrite, qui mérite les éloges sans qu'il soit besoin d’en rajouter. Vacances tragiques José ORTMANS Editions Schmid, Collection L'Indice, 1939. Changement radical de style pour ce troisième roman de J. Ortmans aux Editions Schmid. Dans un avertissement solennel, le narrateur, signant Raymond Valbert, va nous livrer « un fragment du journal de sa vie » sans en changer un iota (sic). Il s'agit de ses vacances à Berck-Plage qui vont, en effet, se révéler tragiques. Dans la pension d’un de ses oncles (Henri), où il arrive avec un autre oncle, il fait connaissance de pensionnaires aux personnalités pittoresques : un ingénieur qui a inventé un "lève-malade" révolutionnaire mais dont l’état mental soulève des doutes, un dit Capitaine, boute-en-train de la maisonnée, un jeune homme blond, une jeune femme blonde et vaporeuse « trop belle pour être malade », présente avec sa mère malade aussi, et une vieille femme « dont les os fondent peu à peu »… Or, l’oncle Henri, alcoolique invétéré, est retrouvé affalé dans le "lit" prototype avec un poignard enfoncé dans la poitrine. Qui l’a tué ? Le jeune narrateur se met à enquêter en parallèle avec le commissaire, le procureur et le juge d’instruction. L'auteur cède alors à son habitude de semer des indices qui se révéleront n'avoir aucun rapport avec le drame : une nouvelle pensionnaire venue la veille et repartie au matin qui, finalement, ne se rappelle plus être venue ; une institution clinique implantée dans le coin qui abrite une bande de « terroristes » ; les avances de l'oncle à sa jeune pensionnaire entendues par la mère et le « Capitaine » sur lequel pèse des soupçons. En fait, la solution va être révélée au jeune narrateur en rêve : « Faut-il voir dans l'aspect des songes une espèce d'anticipation psychique vers l'avenir ? Après les événements d'aujourd'hui, je crois pouvoir répondre par l'affirmative », écrit-il en découvrant le rôle trouble de l'oncle accompagnateur et de la mère de la jeune malade. Mais la conclusion finale n'a pas voulu surgir dans son esprit. Et ceci, on l'apprend dans l'« appendice » où est révélé que l'oncle a été tué deux fois en une pâle resucée du Meurtre de Roger Ackroyd et du génial Crime de l'Orient-Express de la grande Agatha Christie. Un pâle pastiche qui manque d'originalité. Apparemment, les publications de José Ortmans furent perturbées par la guerre, ce qui est bien dommage. On ne sait ce qu'il devint après la fin des hostilités. Les dernières publications sous sa signature quelques courts fascicules publiés en 1941/1944 aux Editions Picry et aux Editions de Lutèce. Il n'avait alors que 30 ans. Michel GRANGER | | | | | | | | |