icône home © Michel Moutet, 2012
INTRODUCTION
I
SOMMAIRES

Les naufragés

Arcus venait de se lever au-dessus de l'horizon de la capitale de la troisième planète. Ses rayons rouges ensanglantaient les quelques arbres de la forêt reconstituée. Bientôt, son frère jaune viendrait donner le ton à une journée qui s'annonçait agré­able.

Les représentants des diverses espèces du Zoo étaient déjà éveillés. La nourriture appropriée à chacun serait distribuée après la visite du médecin en chef qui venait aujourd'hui.

– Larduun, il faut que je vous parle.
Le directeur regarda le docteur.

– Que se passe-t-il encore, les gritus manquent-ils d'acide nitrique ou alors sont-ce les petits lipons qui se sont échappés pendant la nuit ?

– Non, non, c'est au sujet de la certification du Zoo.

– La quoi ?

– Mais si, vous savez bien, le Zoo de Djuki a récemment fait l'acquisition d'une centaine d'espèces nouvelles et elle possédera donc plus de spécimens que nous. Si nous ne réagissons pas, le titre de « plus grand Zoo » nous échappera cette année et on pourra dire adieu aux crédits et aux visiteurs.

– Ne vous inquiétez pas, je me suis déjà chargé de contacter nos plus fins limiers. Ils doivent partir ce soir pour la plus grande chasse de l'histoire.


Dans un hangar de l'astroport, le nez dans la bouche d'un propulseur du vaisseau, Haiee s'interrogeait. Ce départ précipité ne lui disait rien qui vaille, mais ils avaient besoin d'argent. La commande du Zoo tombait à pic ; Nhoo, lui, s'était empressé d'accepter et avait promis une livraison extraordinaire.

Il sentit une main remonter le long de sa cuisse et faillit en perdre l'équilibre, se rattrapant de justesse à l'échelle.

– Eh ! Je t'ai déjà dit de ne pas me surprendre comme ça.

Nhoo, le regarda de ses yeux espiègles.

– Je ne sais pas ce que tu faisais, mais épargne-moi la fausse surprise, ça fait au moins cinq minutes que tu es perché là-haut sur le même propulseur. Rien de grave j'espère ?

– Non, mais je t'en prie, la prochaine fois, fais attention.

Il descendit de l'échelle et lui lança un regard noir.

– On peut partir maintenant...

Leur vaisseau était un ancien cargo de gros tonnage qu'ils avaient réaménagé. Dans la salle de pilotage, sur l'ordinateur de bord, les attendait un message de la tour de contrôle, transmis pendant leur absence.

– Tu as vu, on signale une recrudescence de l'activité des pirates dans le secteur où nous allons.

Haiee jeta un œil sur le moniteur.

– On en a vu d'autres, et puis quand il faut y aller...

Il lança le programme de décollage. Et eut beaucoup de mal à percevoir un quel­conque mouvement, les amortgrav fonctionnant bien. Tout à coup, ce fut le silence, ils venaient de quitter les dernières couches d'altitude.

Avant que Nhoo ne puisse dire quoi que ce soit, il enclencha le pilote spatial. Les coordonnées du point d'arrivée qu'il avait programmées furent affichées en rouge sur les deux moniteurs de contrôle. Un éclair blanc zébra sa conscience, le transfert était en cours. Le signal d'alerte retentit presque immédiatement après leur arrivée. Les mains de Nhoo voltigeaient au-dessus des interfaces de communication.

– Nous allons être attaqués dans 10 secondes, par ce qui semble être une armada de pirates. Tu vois, je te l'avais bien dit...

Nhoo n'eut pas le temps de finir sa phrase, Haiee venait d'actionner le dispositif de fuite. A nouveau un éclair blanc, le transfert vers une nouvelle direction, cette fois-ci inconnue, venait d'avoir lieu.

– Voyons où nous sommes...

Haiee approcha le navire de la plus proche planète tandis que Nhoo recherchait des informations sur la zone qu'ils venaient d'atteindre.

– J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle.

Haiee soupira ; il n'avait jamais supporté le ton théâtral de Nhoo qui poursuivait :

– La bonne nouvelle, c'est que la planète vers laquelle tu nous diriges est peuplée de nombreuses espèces primitives. La mauvaise : on a, semble-t-il, été pris en chasse par un missile.

Haiee leva les bras au ciel.

– Eh bien en attendant d'exploser, on peut aller voir ce qu'on peut trouver sur cette planète, avec un peu de chance, on va faire le plein en un seul voyage.


Cela faisait quatre heures qu'ils moissonnaient la planète. Plus de deux cents robots parcouraient les continents, capturant, conformément à leurs programmes, des échantillons des différentes espèces existantes.

Haiee visualisa les dernières prises, les cales étaient presque pleines. La plupart des robots étaient déjà rentrés quand le signal d'alerte retentit.

Nhoo changea de couleur, ce qui n'était jamais bon signe.

– Les pirates ont bien lancé un missile, qui a émergé de l'espace il y a 10 minutes et il vient de nous repérer. Il fonce sur nous.

Haiee n'hésita pas un seul instant. Malgré les risques que cela comportait, il ver­rouilla le calculateur spatial sur une position d'orbite autour de la planète. Le transfert eut lieu d'extrême justesse.

Nhoo braqua les scanners vers la planète, le morceau de terrain qu'ils occupaient quelques secondes plutôt, n'existait plus.

– Ça alors, regarde, l'ordinateur indique que l'axe de la planète est en train de changer sous l'effet de la puissance de l'explosion. Les vaches, ils avaient mis quoi dans ce missile...

La vie sur la planète était devenue depuis quelques heures pratiquement impossible, rien ne résistait aux mouvements des océans. Ils pensaient être en sécurité dans l'es­pace quand le vaisseau commença à se rapprocher de l'atmosphère.

– Haiee que se passe-t-il, on est en train de bouger ?

Nhoo se dessangla de son fauteuil, et disparut complètement à l'intérieur d'une console. Il ressortit presque immédiatement avec quelque chose dans les mains. Il lut à haute voix l'inscription qui figurait dans l'encadré : « Tous nos produits sont garantis pour l'éternité. En cas de problème, contacter notre agence la plus proche pour un échange standard. ».

– C'est le pilote spatial qui tombe en rade, et nous n'en avons pas d'autre...

Rapidement, ils en vinrent à la conclusion qu'ils étaient bloqués sur cette planète. Avec quand même de la chance puisque l'atmosphère y était respirable. Avant que le vaisseau n'ait plus d'énergie, ils envoyèrent à travers l'espace, sans trop d'espoir d'être entendu, le message suivant : « SOS vaisseau Arche de Nhoo Haiee coordon­nées... ».

Pierre YAILIAN et Michel GRANGER

Publié in Le Courrier de Saône & Loire Dimanche le 8 septembre 1991.
Dernière mise à jour : 5 mai 2013.


© Michel Moutet, 2013
INTRODUCTION
I
SOMMAIRES