icône home © Michel Moutet, 2012
INTRODUCTION
I
SOMMAIRES

Mozart

Mozart endossa sa pelisse, noua autour de son cou sa vieille écharpe rapiécée et prit, sous son bras, la grosse valise de cuir qu'il tenait de ses parents.

Dedans, il avait rangé toutes ses dernières compositions, celles qu'il avait écrites durant les 10 années vécues dans ce taudis où le froid et les courants d'air avaient été ses seuls compagnons.

Dix ans, c'est court par rapport à une vie normale pour un homme qui n'en a que trente. Cela représente le tiers de l'existence. Une vie de raté, sans espoir d'ar­river...

Mozart descendit de sa mansarde et débarqua bientôt sur les quais de la Seine qu'il aimait à arpenter et où il avait éprouvé ses seules joies et goûté ses seuls instants de bonheur. Il se cachait derrière d'épaisses lunettes de peur d'être re­con­nu par les habitants du quartier ou par quelques amis.

Il contempla le palais de justice en se demandant à quoi il pouvait bien servir et poursuivit son chemin en longeant les casiers des bouquinistes et en regardant, du coin de l'œil, l'eau glauque du fleuve.

Quand il fut parvenu au pont des Arts, il sourit d'être si près du quai Conti et de l'Académie. Prestement, il enjamba la balustrade et sauta dans les flots la valise à la main. Personne ne put intervenir à temps...

Lorsqu'il fut repêché et étendu sur la berge, irrémédiablement noyé, Marcel, celui qui dessinait avec des craies de couleur sur le vieux pont et sur les trottoirs du Quar­tier Latin, fit la grimace en reconnaissant son vieux copain qui se faisait ap­pe­ler Mozart.

Michel GRANGER

Publié in Le Courrier de Saône & Loire Dimanche du 30 juillet 1989.
Dernière mise à jour : 5 avril 2011.


© Michel Moutet, 2017
INTRODUCTION
I
SOMMAIRES