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I
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Au fil des ans

Louis appréciait particulièrement l’atmosphère des musées. Là où la plupart des gens se trouvaient plutôt mal à l’aise avec la seule hâte d’en sortir au plus vite, il éprouvait une subtile sensation. A chaque fois, des effluves du passé évoqué dans les vitrines l’emplissaient tout entier et il éprouvait un véritable bonheur à demeurer des heures en tête-à-tête avec ces évocations d’un autre âge.

Depuis son exil à Londres, la vie n’est plus aussi gaie, ni aussi facile qu’au­pa­ra­vant. Il lui faut travailler dur depuis la fin de la deuxième guerre et il a eu un mal fou à s’y accoutumer.
Aussi, lorsque le vendredi au soir, il va rejoindre le musée Tusseau, avec ses sta­tues de cire et son cachet si singulier, il en tire un inexplicable réconfort. Mais ce jour-là, Louis accède au vrai bonheur.

Des dizaines et des dizaines de fois, il a déjà fait halte devant l’effigie de la mar­quise de Pompadour, béat d’admiration, comme interloqué. Jamais auparavant, il n’a décelé le moindre signe. Et en ce jour que rien ne distingue des précédents, la révélation s’est imposée à lui : la divine statue de cire lui a souri…
Louis s’en souvient à présent ; elle a, l’espace d’un instant, retrouvé son charme d’antan, lorsqu’elle n’était encore que Mademoiselle Poisson, avant qu’il ne la fît lui-même Marquise. Louis évoqua son passé et Versailles un long moment avant de quitter le musée.

Au dehors, le temps était plutôt froid, le brouillard londonien nimbait la ville de ce halo si caractéristique de tant de romans anglo-saxons. Il héla un taxi et rentra chez lui.

Michel GRANGER

Publié in Le Courrier de Saône & Loire Dimanche du 17 septembre 1989.
Dernière mise à jour : 21 avril 2011.


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