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INTRODUCTION
I
SOMMAIRES

L'artefact

Cela fait maintenant deux ans qu'ils naviguent dans l'espace à la recherche d'une terre d'accueil susceptible de convenir à l'implantation d’une partie de leur colonie. En effet, leur planète est maintenant si peuplée et les réserves nutritionnelles si rares qu’ils ne peuvent tous y vivre. A la solution suicido-collective préconisée par certains états-majors, on a préféré l’émigration extra-planétaire.

Aussi une mission de prospection a-t-elle été lancée pour découvrir un nouveau cadre de vie. Cette expédition a également pour but de vérifier qu'un long voyage in­ter­sidéral n'a aucun effet sur le comportement physique et psychique des aéro­nautes. Sinon, à quoi bon s'expatrier si cela rend fou ou neurasthénique ?

Le vaisseau spatial, baptisé Luyten comprend vingt membres d'équipage assistés d'une centaine d'androïdes.

Chaque jour, les voyageurs examinent leur habitus et vérifient par diaphanoscopie les variations éventuelles de leur épiderme verdâtre. Des sondes, reliées à un su­per­ordinateur, enregistrent les modifications diastoliques de leurs deux cœurs ainsi que la vasomotricité résultante.

Pour l’instant aucun changement n'a été décelé, ce qui laisse supposer que leur adap­tation aux excursions cosmiques s'effectue sans problème.

La réserve de diergol est suffisante pour un périple de six années, mais il leur tarde de tomber sur une planète ayant les caractéristiques requises à une colonisation.

Dans le phytotron, les plantes se comportent parfaitement en apesanteur. Le seul problème véritable est que les tiges parfois se prennent pour les racines et pous­sent dans tous les sens. Mais leur reproduction est régulière et ainsi peut-on pré­sager une bonne acclimatation des végétaux à l’espace.

Régulièrement, un relevé de la position atteinte est effectué par les androïdes qui communiquent télépathiquement le résultat des calculs aux prospecteurs propre­ment dits. Ceux-ci décident alors de la direction à prendre, car, actuellement, aucun des endroits visités ne correspond à ce qu’ils cherchent.

Or, voilà qu’à l’aube du sixième mois de la deuxième année (référence toute relative), l’espoir s’installe. Une planète à deux parsecs environ semble avoir les caractéristiques désirées. Aussitôt, chacun rejoint-il en hâte son poste de travail et étudie tous les renseignements fournis par les androïdes.

En premier lieu, d’après l'analyse spectrale, la bande de l'oxygène est fortement mar­quée, ce qui laisse supposer la présence, en quantité suffisante, de ce gaz ré­so­lument indispensable. Ensuite, c’est une véritable atmosphère que l'on a iden­ti­fiée si bien que, rapidement, on devrait pouvoir dire si l’objectif a de bonnes chan­ces d’être le bon.

L'anxiété habite tout le personnel navigant. Y a-t-il là-bas une vie autochtone ? Et, dans l’affirmative, quelles vont être ses réactions ?

Sans pousser plus avant ces interrogations, ils se placent en orbite, étoile filante entre toutes les autres.

Les voilà maintenant prêts à dépêcher une soucoupe pour un survol à basse alti­tu­de et, éventuellement, un atterrissage si les conditions le permettent. A bord du petit engin estafette, prennent place le capitaine Omen et le lieutenant Skops. Le lar­gage s'opère sans difficulté et, comme rien ne paraît l'interdire, ils se posent.

Tout est désert. L'appareil de mesure indique que le pourcentage d’oxygène dans le gaz ambiant est suffisant pour qu’ils puissent sortir sans scaphandre.

Au loin, une structure se profile à l'horizon qui s'élève au-dessus du niveau du sol. Ils s’approchent et s'aperçoivent petit à petit qu'il s'agit d'un artefact c'est-à-dire quelque chose de manifestement artificiel. Cela ressemble à un château féodal com­me ils en ont vu dans leurs vieux livres d’histoire.

Bientôt, ils sont dans la cour principale et mettent en batterie tous les instruments de détection scientifiques qu’ils portent sur eux.

Un examen approfondi du matériau dont est constituée la construction montre que les murs sont à base de roche sédimentaire formée de grain de quartz. En la cir­constance, ils se seraient plutôt attendus à trouver un édifice en poudingue, au vu de l’aspect extérieur.

Devant eux s'ouvre un couloir. Leurs lampes frontales allumées, ils décident de s’y engager. Après quelques minutes de progression, une paroi verticale les empêche de continuer : un cul-de-sac ! Bizarre.

Ils font marche arrière et notent l'absence de toute pièce d’artillerie là où on serait en droit de les attendre, dans cette espèce de forteresse. On la dirait inhabitée... Pourtant, en haut d'une tour, flotte un drapeau.

Un couloir qu'ils n'avaient pas tout d'abord remarqué se présente à leur droite. Nou­vel aller et retour. Encore une voie sans issue. A quoi riment ces galeries qui ne débouchent sur rien ?

En ressortant, ils remarquent une autre entrée au pied d'un rempart. Une nouvelle fois, ils y pénètrent, non sans avoir un peu hésité. Au bout de quelques pas, il leur faut encore se rendre à l'évidence : ce boyau ne mène nulle part. Excédés, ils font demi-tour…

C'est à cet instant précis que le sol se met à trembler et, lentement, les murs se désagrègent. Ils tentent d'échapper à la catastrophe mais en vain. Dans un va­car­me d’enfer, tout s’écroule sur eux et devient leur tombeau.

Sur une plage bretonne, deux gamins se battent : l’un accuse l’autre de lui avoir vo­lontairement démoli son beau château de sable…

Michel GRANGER & Michel PIERRE

Publié in Le Courrier de Saône & Loire Dimanche du 12 février 1989.
Dernière mise à jour : 31 mars 2011.


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